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Par Serge de Visme, Mai 1995
Le passage biblique : Luc 17, v.11-19 |
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(11) Jésus, se rendant à Jérusalem, passait entre la Samarie et la Galilée.(12) Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Se tenant à distance,(13) ils élevèrent la voix, et dirent : Jésus, maître, aie pitié de nous !(14) Dès qu'il les eut vus, il leur dit : Allez vous montrer aux sacrificateurs. Et, pendant qu'ils y allaient, il arriva qu'ils furent guéris.(15) L'un d'eux, se voyant guéri, revint sur ses pas, glorifiant Dieu à haute voix.(16) Il tomba sur sa face aux pieds de Jésus, et lui rendit grâces. C'était un Samaritain.(17) Jésus, prenant la parole, dit : Les dix n'ont-ils pas été guéris? Et les neuf autres, où sont-ils?(18) Ne s'est-il trouvé que cet étranger pour revenir et donner gloire à Dieu?(19) Puis il lui dit : Lève-toi, va ; ta foi t'a sauvé. |
Seul le Samaritain, un lépreux samaritain, qui est donc doublement impur aux yeux des juifs parce que lépreux et... samaritain (voir A. Maillot, "Les miracles...") revient vers Jésus pour le remercier. Littéralement, il revient pour l'"eucharistier".
Pourquoi celui-là revient-il et pas les 9 autres guéris aussi ?
Parce qu'il est Samaritain et, comme tel, il n'a que faire des prêtres, probablement jérusalémites, c'est-à-dire juifs, auprès desquels Jésus l'a envoyé. Il revient "naturellement" vers celui qu'il sait être l'auteur de sa guérison. Son Sauveur, pour lui qui est Samaritain, ne se situe pas dans un lieu particulier, et certainement pas au temple de Jérusalem, mais bien dans cette personne particulière qu'il a rencontrée sur la route et qui a posé son regard sur lui. En fait, le Samaritain a fait un pas de plus, le pas de la foi ; il fait la distinction entre Dieu et les hommes qui représentent Dieu, i.e. les prêtres. Et il choisit de venir d'abord rencontrer Dieu qu'il discerne dans la personne de Jésus plutôt que d'aller voir les hommes qui représentent Dieu. La démarche est forte car seuls ces hommes qui représentent Dieu sont à même de, et "habilités à", le reconnaître vivant parmi les vivants. C'est-à-dire de le réintégrer socialement. On mesure à quel point pour un lépreux cette réhabilitation peut être importante. Lui choisit de dire d'abord "merci" avant de s'entendre dire "bienvenu chez les vivants".
Les autres lépreux guéris sont juifs et, s'ils ne reviennent pas, c'est simplement qu'ils obéissent à l'ordre de Jésus lui-même d'aller se présenter aux prêtres. Voir à ce sujet Lévitiques 14, v.2 et suivants : ce sont les prêtres qui doivent constater la guérison.
Ce récit est propre à Luc, qui est aussi auteur des Actes des Apôtres, cette annonce réussie de l'Evangile aux "étrangers". Ce récit exprime, de manière polémique, que les juifs, murés dans les carcans de leurs traditions et de leurs institutions religieuses, n'ont pas reconnu le Messie, venu les guérir, que Dieu leur envoyait. L'étranger, lui, comme les païens demain, fait le pas de la foi : il prend acte de la nouveauté de la présence de Dieu dans la personne de ce Jésus qu'il a rencontré sur le chemin des hommes.
"Dans" le Samaritain prosterné face contre terre, au premier plan,
apparaissent en filigrane les 9 autres lépreux guéris aussi en marche vers le
temple.
Ils sont debouts, pas encore prosternés. |
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Mais ils sont sous la même bénédiction que le Samaritain, même s'ils n'ont pas identifié cette main de bénédiction qui les a guéris comme étant celle de Jésus. Ils l'ont identifiée comme étant la main de Dieu et vont donc "naturellement" au temple, le "lieu" de Dieu, ainsi que Jésus le leur a ordonné. |
La main de vie en liberté va se heurter au Temple, sorte de chateau de cartes édifié au sommet d'autres petites structures en cartes. Des cartes empilées de mémoire, d'histoire, de traditions, de certitudes inébranlables forgées par les siècles, les cartes fragiles de tout un peuple... Le Samaritain prosterné tourne le dos à l'édifice, non pas parce qu'il veut l'ignorer, mais parce que le temple, les prêtres samaritains ou jérusalémites, c'est "second". En "premier", il y a Jésus !