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Autant accepter d'emblée de ne rien savoir sur la mort et prendre conscience que ce n'est affaire ni de savoir ni de connaissance. Mais remarquons aussi que des sociétés, cultures, religions, philosophies, n'ont pas hésité à parler de la mort et de tout ce qui l'entoure.
Les textes bibliques, eux aussi, ont pris la mort au sérieux comme composante de l'existence des vivants : elle demeure lieu de silence (pas de mythe sur l'au-delà). Au mieux, elle disparaîtra un jour (cf. Esaïe 25 v.8) mais en attendant elle happe tout être humain.
L'idée d'une résurrection n'apparaît que tardivement dans le panorama historique d'Israël. Et durant les vingt siècles de christianisme, conceptions et discours sur l'au-delà ont proposé en fait des modèles très élaborés (cf. André GOUNELLE & François VOUGA Après la mort qu'y a-t-il ? Cerf 1990 p. 23 à 112) par le biais d'explications spatiale, temporelle, existentielle, ontologique, sceptique, spiritualisante...
En fait, les textes bibliques ne s'intéressent pas tant à la question "Qu'y a-t-il après la mort ?" qu'à la question existentielle : "Avant la mort, y a-t-il une vie qui vaille la peine ?".
C'est à partir de la vie qu'ils abordent la question de la mort et de l'au-delà.
Paul osera présenter la discussion, non pas sous forme descriptive, ou de connaissance, ou de savoir mais comme confession de foi, d'espérance et de confiance ( cf. I Corinthiens 15 v.55-58, I Thesalonissiens 4 v.13-17).
Le premier point fondamental à relever chez Paul, c'est la place centrale occupée par Dieu. Jésus ne s'est pas "ressaisi lui-même", ne s'est pas ressuscité lui-même : c'est le Père qui le fait lever d'entre les morts.
Ainsi la résurrection de Jésus s'inscrit dans un rapport de filiation sans cesse affirmé : il est le premier né d'entre les morts. (cf. Philippiens 2 v.6-9 "Lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu. Mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme une homme. C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom.").
La résurrection est donnée comme un élément essentiel de relation au Père, c'est même ce qui le fonde comme fils. (cf. Romains 1 v.4 "Etabli, selon l'Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa Résurrection d'entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur...").
L'élément "résurrection" n'est pas une "vérité biologique" en soi, avec preuves scientifiques à l'appui. Elle demande, au contraire, à être accueillie comme élément spirituel fondamental de foi.
Ainsi, à la fin de l'évangile de Marc, la rédaction la plus ancienne et la plus courte s'achève sur le tombeau vide, manifestant à l'évidence qu'il n'y a rien à voir : Jésus ressuscité n'est pas de l'ordre du spectacle. Même si un certain nombre de textes vont ultérieurement tenter de 'prouver' la chose. Et la finale de l'évangile de Marc manifeste bien l'enjeu de l'appel contenu dans ce tombeau vide : ce vide n'est pas un "rien", c'est au contraire un vide à considérer comme changement complet de regard (cf. Marc 16 v.7 "Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : "Il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit.")
Il appelle à un retournement, au grand retournement des prophètes, c'est-à-dire à un changement radical de perspective (cf. Jérémie 18 v.8, Esaïe 21 v.12, Ezéchiel 18 v.32, Osée 6 v.1, etc.) .
Nous sommes ici devant une nouvelle manière d'exister : la résurrection n'est en rien ce que l'on attend, ni ce que l'on voit. Ni spectacle, ni fatalité, elle entraîne hors des sentiers communs et répertoriés.
Elle apparaît comme une irruption soudaine d'une nouvelle cohérence de sens donnée à la vie des hommes par le dessein du Père. Elle devient cohérente du lien au Dieu de vie. Elle ne prouve rien, non plus qu'elle n'est prouvée elle-même. Mais elle prend sens de création de vie pour les vivants, et leur donne vocation d'humanité.
La résurrection donne leur pleine stature d'humanité aux vivants, elle les "éveille" par la Parole qui les illumine, par l'Esprit du Père. Là aussi question de filiation, de filiation du et au Christ.
La résurrection n'est pas, dans le Nouveau Testament, exclusivement employée à propos de Jésus. Le terme est accroché à la vie présente de chaque être : en somme elle n'est pas au futur de notre présent, mais bel et bien inscrite dans ce présent.
Paul entraîne ses lecteurs sur ce chemin paradoxal de la résurrection inscrite dans le présent de la vie, par le biais du baptême ( cf. Romains 6 v.4, 6 v. 5, 5 v.3-5, Ephésiens 2 v.6). Dans le baptême - signifiant tout à la fois "mort" et "vie nouvelle" - le présent de cette résurrection est fermement annoncé (cf. Colossiens 2 v.12 "Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités puisque vous avez cru en la force de Dieu qui l'a ressuscité des morts.", et Colossiens 3 v.1) Toute la vie du croyant fait fond sur cette réalité comme réalité expérimentale, même si toute l'épaisseur de cette réalité n'est pas encore évidente.
Voilà pourquoi la résurrection n'est jamais de l'ordre du visuel, du spectacle, mais bien celui de la participation, de l'espérance (cf. Romains 8 v .24-25 "Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce qu'on espère n'est plus espérer : ce que l'on voit, comment l'espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance.", I Corinthiens 15 v.21-22)
Insistance donc, pour bien marquer le caractère total et personnel de cette expérience spirituelle de relation au Père par l'Esprit qui habite en nous (cf. Ephésiens 4 v.23), relation au Père de décentrement par rapport à soi-même, véritable libération de toute dépendance, véritable transformation de l'existence.
Cette vie nouvelle n'est pas encore donnée dans sa plénitude mais en prémices comme arrhes (cf. Matthieu 15 v.27 "Les petits chiens mangent les miettes sous la tables", Marc 7 v.28). Elle sera explicitée (cf. Colossiens 3 v.4) comme l'est la personnalité d'un être humain après le temps de maturation des années d'adolescence (cf. Romains 8 v.18-25 : "La création tout entière gémit en travail d'enfantement").
Cette croyance - ni universelle, ni même générale aux divers groupes juifs - relève d'un genre littéraire particulier très répandu en Proche-Orient au tournant de l'ère chrétienne : l'apocalyptique.
L'Evangile de Jean recentrera du reste cette pensée sur la personne de Jésus : "La résurrection, c'est (lui)" : la mort ne constitue plus l'acte ultime de la vie, ni le point final. En Christ, la mort n'est tout simplement plus la référence ultime !
La dimension cosmique du salut s'inscrit dans une dynamique qui ne se ralentit, ni ne s'arrête. C'est une dimension d'horizon : elle oriente la vie, et la met en perspective.
Si - comme il faut bien l'accepter - des variations existent à propos de la résurrection, même chez Paul, d'une épître à l'autre, et à fortiori d'un texte de l'Evangile à l'autre, n'est-ce pas à l'évidence car nul ne peut prétendre à un savoir ni à une connaissance sur la mort & l'au-delà de la mort ?
L'affirmation demeure forte pour tout le Nouveau Testament de ce que la mort ne constitue ni l'anéantissement, ni la fin ultime de la personne, sans pour autant que ces textes n'élaborent quelque développement que ce soit sur le "comment" d'une telle affirmation. La question est laissée ouverte, tout simplement.
Cette affirmation utilise des images, des représentations et peut même aller - dans les évangiles en particulier - jusqu'à l'emploi du narratif ; mais toujours pour apporter un sens symbolique comme représentation d'un réel qui nous dépasse, un réel déjà présent mais indicible.
Jacky ARGAUD
<jacky.argaud@protestants.org>